Dans la bibliothèque de Christiane Taubira Posted in: Blog, Blog littérature
Découvrez la bibliothèque de Christiane Taubira à l’occasion de la sortie d’un épisode du BookClub de Konbini. Ancienne ministre de la justice en France, Christiane Taubira est une femme de conviction que la littérature à sans cesse accompagné dans ses combats politiques.
Découvrez une sélection émancipatrice
Dans un pays inconnu, plus personne ne meurt. Les hôpitaux regorgent de malades, les entreprises de pompes funèbres et les compagnies d’assurance font faillite, les familles conduisent les membres les plus encombrants aux frontières, l’Église est menacée de disparition : sans mort, pas de purgatoire, de Paradis ni d’Enfer… Mais un beau jour la mort revient sauver les hommes.
Un promeneur chute dans les Dolomites et meurt. Un homme donne l’alerte. Les deux individus se connaissent, le premier ayant livré le second et tous ses camarades à la police quarante ans plus tôt alors qu’ils participaient à un groupe révolutionnaire. Quand un juge veut faire avouer au suspect le meurtre de son ancien compagnon, l’interrogatoire se mue en réflexion sur l’engagement et l’amitié.
Stupéfait, un pêcheur découvre une jeune fille échouée sur les rivages d’Haïti après trois jours de tempête. Son corps martyrisé montre qu’elle a été victime d’une grande violence. Quand la voix de la naufragée s’élève, elle en appelle à tous les dieux vaudous et à ses ancêtres pour tenter de comprendre comment et pourquoi elle s’est retrouvée là. A l’origine de cet acte barbare, le ressentiment entre deux familles que tout oppose : les Lafleur qui ont toujours vécu à Anse Bleue, un village d’Haïti où la terre et les eaux se confondent, et les Mésidor devenus seigneurs des lieux en faisant main basse sur toutes les bonnes terres de la région.
Port-au-Prince, début 2004-année du bicentenaire de l’indépendance d’Haïti. En cette matinée dominicale, un jeune homme quitte les quartiers pauvres pour rejoindre la manifestation organisée en ville par les étudiants. Au fil de sa marche, Lucien refait en esprit le trajet qui l’a conduit du village de l’enfance vers la ville à l’improbable avenir. Les voix aimées et irréconciliables résonnent dans sa tête : celle de sa mère, paysanne d’une province reculée ; celle de son frère qui a mal tourné au contact de la ville ; celle de “l’Etrangère”, une journaliste qu’il aime sans vraiment la connaître ; celles, enfin, de ses camarades étudiants ou de voisins.
Le roman est le récit de sa journée – de sa descente vers la ville jusqu’à l’ultime charge de la police… Né de la nécessité profonde et urgente, pour son auteur, de rendre compte des événements qui ensanglantèrent les célébrations de ce bicentenaire, ce roman incandescent affirme une nouvelle fois que la littérature, transcendant le commentaire, est sans doute l’un des plus puissants antidotes au chaos.
Ce classique de la littérature américaine, paru pour la première fois en 1951, narre la révolte des esclaves romains menés par Spartacus, en 71 av. J.-C. Dans une cité ravagée par la corruption, le jeune esclave, épris de justice et amoureux de la vie, se met en tête de changer le monde. D’un premier soulèvement il fait une véritable guerre qui dure deux ans et fait trembler Rome.
Écrit de 1938 à 1940, paru en France dès 1945, Le Zéro et l’infini est un classique du XXe siècle, ainsi qu’un best-seller mondial.
Inspiré des grands procès de Moscou, le roman raconte l’itinéraire d’un responsable communiste, Roubachof, jeté en prison et jugé, bien qu’il ait été lui-même un “épurateur”. Koestler dresse un réquisitoire contre les dictatures et le système totalitaire pour lesquels l’homme n’est rien, un zéro face à la collectivité, alors que l’humanisme voit en lui, au contraire, un infini.
Le présent volume regroupe deux cent quarante-sept lettres écrites ou dictées par Ossip Mandelstam, de la première, adressée à ses parents en 1903, à la dernière, rédigée du Goulag en 1938, un mois et demi avant sa mort. Elles ne constituent qu’une partie de sa correspondance, mais c’est un vrai miracle qu’elles aient été conservées : d’ordinaire, sous l’ère stalinienne, on détruisait instantanément toute trace de lien avec un ami ou un parent soudain compromettant, devenu en une nuit un de ces disparus dont on ne savait s’ils étaient détenus ou déjà fusillés.
Enjouées ou poignantes, tragiques ou implacables, ces lettres, qui sont souvent de magnifiques déclarations d’amour adressées à Nadejda Mandelstam, renouvellent la connaissance de l’œuvre et du destin d’un des plus grands poètes russes.
L’écrivain et essayiste Ahmet Altan était le rédacteur en chef du quotidien Tarai jusqu’au 15 juillet 2016. À cette date, la Turquie s’enflamme, des milliers de personnes descendent dans la rue à la suite d’une tentative de putsch. Dès le lendemain, une vague d’arrestations s’abat parmi les fonctionnaires, les enseignants, l’armée et les journalistes. Ahmet Altan fait partie de ceux-là, il sera condamné à perpétuité, accusé d’avoir appelé au renversement du gouvernement de l’AKP, et finalement libéré en avril 2021, sur ordre de la Cour de cassation de Turquie, après plus de quatre ans d’emprisonnement.
Il a soixante et onze ans. Ces textes ont été écrits du fond de sa cellule. Poignants, remarquablement maîtrisés, ces allers-retours entre réflexions, méditations et sensations expriment le quotidien du prisonnier mais ils disent aussi combien l’écriture est pour lui salvatrice. Tel un credo, il s’en remet à son imagination, à la force des mots.
Un livre de résilience exemplaire qui a reçu le prix André Malraux en 2019.
Les frères Vicario ont annoncé leur intention meurtrière à tous ceux qu’ils ont rencontrés, la rumeur alertant finalement le village entier, à l’exception de Santiago Nasar. Et pourtant, à l’aube, ce matin-là, Santiago Nasar sera poignardé devant sa porte. Pourquoi le crime n’a-t-il pu être évité ? Les uns n’ont rien fait, croyant à une simple fanfaronnade d’ivrognes ; d’autres ont tenté d’agir, mais un enchevêtrement complexe de contretemps et d’imprévus – souvent joyeusement burlesques -, et aussi l’ingénuité ou la rancœur et les sentiments contradictoires d’une population vivant en vase clos dans son isolement tropical, ont permis et même facilité la volonté aveugle du destin.
Chronique d’une mort annoncée est un roman hallucinant où l’humour et l’imagination du grand écrivain colombien, prix Nobel de littérature, se débrident plus que jamais pour créer une nouvelle et géniale fiction sur les thèmes éternels de l’honneur et de la fatalité.
Imaginez Zazie dans le métro revu par Spike Lee… Avec le rythme des meilleurs jazzmen, une chaleur et une compassion qui jamais ne se démentent, ces quinze nouvelles nous font connaître et aimer toute la galerie de personnages issus de la communauté noire américaine : le vieux joueur de blues du Sud qui refuse d’aller enregistrer chez les blancs du Nord, la mère de famille jugée par ses grands enfants parce qu’elle s’amuse trop à leur goût, le groupe d’amies réunies en un truculent conseil de guerre après la fuite de l’amant d’une d’entre elles, ou encore les enfants des quartiers pauvres, qui racontent, dans une langue inimitable, leurs rêves et leurs désillusions face au racisme ou à l’incompréhension des adultes.
Tout l’amour que Toni Cade Bambara porte à sa communauté transparaît dans chacune de ces nouvelles admirablement maîtrisées.
En 1927, la jeune anthropologue Zora Neale Hurston part en Alabama rencontrer Cudjo Lewis. A quatre-vingt-six ans, Cudjo est l’ultime survivant du dernier convoi négrier qui a quitté les côtes du Dahomey pour l’Amérique. Pendant des mois, Zora Neale Hurston va recueillir sa parole, devenir son amie, partager ses souffrances. Le témoignage de Cudjo restitue comme nul autre la condition d’un esclave : de sa capture en 1859 à sa terrifiante traversée, de ses années d’esclavage jusqu’à la guerre de Sécession, puis son combat pour son émancipation.
Frank Money est Noir, brisé par la guerre de Corée, en proie à une rage folle. Il doit retrouver à Atlanta sa jeune soeur Cee, gravement malade, afin de la ramener dans la ville de leur enfance en Géorgie – “le pire endroit du monde”. S’engage pour lui un périple dans l’Amérique ségrégationniste des années 1950 où dansent toutes sortes de démons. Avant de trouver, peut-être, l’apaisement.
Parabole épurée, violemment poétique, Home conte avec une grâce authentique la mémoire marquée au fer d’un peuple et l’épiphanie d’un homme.
Depuis la mort de sa femme, Theo Byrne, un astro-biologiste, élève seul Robin, leur enfant de neuf ans. Attachant et sensible, le jeune garçon se passionne pour les animaux qu’il peut dessiner des heures durant. Mais il est aussi sujet à des crises de rage qui laissent son père démuni. Pour l’apaiser, ce dernier l’emmène camper dans la nature ou visiter le cosmos. Chaque soir, père et fils explorent ensemble une exoplanète et tentent de percer le mystère de l’origine de la vie. Le retour à la ” réalité ” est souvent brutal. Quand Robin est exclu de l’école à la suite d’une nouvelle crise, son père est mis en demeure de le faire soigner. Au mal-être et à la singularité de l’enfant, les médecins ne répondent que par la médication. Refusant cette option, Theo se tourne vers un neurologue conduisant une thérapie expérimentale digne d’un roman de science- fiction. Par le biais de l’intelligence artificielle, Robin va s’entraîner à développer son empathie et à contrôler ses émotions. Après quelques séances, les résultats sont stupéfiants.
Mettant en scène un père et son fils dans une Amérique au bord du chaos politique et climatique, Richard Powers signe un roman magistral, brillant d’intelligence et d’une rare force émotionnelle, questionnant notre place dans l’univers et nous amenant à reconsidérer nos liens avec le vivant.
Tout commence en 1939, lorsque Delia Daley et David Strom se rencontrent à un concert de Marian Anderson. Peut-on alors imaginer qu’une jeune femme noire épouse un juif allemand fuyant le nazisme ? Et pourtant… Leur passion pour la musique l’emporte sur les conventions et offre à leur amour un sanctuaire de paix où, loin des hurlements du monde et de ses vicissitudes, ils élèvent leurs trois enfants. Chacun d’eux cherche sa voix dans la grande cacophonie américaine, inventant son destin en marge des lieux communs : Jonah embrasse une prometteuse carrière de ténor, Ruth, la cadette, lutte aux côtés des Black Panthers, tandis que Joseph essaye, coûte que coûte, de préserver l’harmonie familiale.
Peuplé de personnages d’une humanité rare, Le temps où nous chantions couvre un demi-siècle d’histoire américaine, nous offrant, au passage, des pages inoubliables sur la musique.
Amateur de jazz et de musique classique, Murakami livre six entretiens réalisés avec son ami de longue date, le chef d’orchestre Ozawa. L’occasion de découvrir la vie et le travail du maestro, en résonance avec celle de l’écrivain, qui, au fil des pages, se dévoile. Une oeuvre de non-fiction captivante, pour tout curieux, musicien averti, ou lecteur inconditionnel de Murakami.
On connaissait la passion d’Haruki Murakami pour le jazz, mais il en est une autre qui, dans sa vie, a pris une place de choix : la passion du classique.
Tokyo, 1938. Quatre musiciens amateurs passionnés de musique classique occidentale se réunissent régulièrement au Centre culturel pour répéter. Autour du Japonais Yu, professeur d’anglais, trois étudiants chinois, Yanfen, Cheng et Kang, restés au Japon, malgré la guerre dans laquelle la politique expansionniste de l’Empire est en train de plonger l’Asie.
Un jour, la répétition est brutalement interrompue par l’irruption de soldats. Le violon de Yu est brisé par un militaire, le quatuor sino-japonais est embarqué, soupçonné de comploter contre le pays. Dissimulé dans une armoire, Rei, le fils de Yu, onze ans, a assisté à la scène. Il ne reverra jamais plus son père… L’enfant échappe à la violence des militaires grâce au lieutenant Kurokami qui, loin de le dénoncer lorsqu’il le découvre dans sa cachette, lui confie le violon détruit. Cet événement constitue pour Rei la blessure première qui marquera toute sa vie… Dans ce roman au charme délicat, Akira Mizubayashi explore la question du souvenir, du déracinement et du deuil impossible.
On y retrouve les thèmes chers à l’auteur d’Une langue venue d’ailleurs : la littérature et la musique, deux formes de l’art qui, s’approfondissant au fil du temps jusqu’à devenir la matière même de la vie, défient la mort.